Pourquoi cultivons-nous sans irrigation?
Nous cultivons sans irrigation depuis les tout débuts. Cela semble surprenant mais pourtant toutes les grandes cultures (maïs, blé, soya, etc.) ne sont pas irriguées. Des amis en Estrie produisent une grande diversité de légumes biologiques sur 90 acres, et rien n’est irrigué non plus. Après tout, au Québec, nous avons la chance d’avoir un climat continental, nous ne sommes pas dans un désert.
Tout d’abord, il faut comprendre que nous cultivons en pleine terre. Pour une culture en bacs surélevés ou en pots sur le balcon, c’est complètement différent. Aussi, certains terrains ne permettent pas de cultiver sans irrigation. Ceci étant dit, voici pourquoi et comment nous procédons.
Catherine a commencé à jardiner en 2004 avec très peu de moyens et installer un système d’irrigation n’était pas prioritaire. Dès le début, essayer plusieurs variétés d’un même légume avait son importance. Sa philosophie de semencière débutante était simple: laisser les plantes se débrouiller et récolter les semences des plants les plus forts. En laissant les plantes livrées à elles-mêmes comme ça, elle a tôt fait de voir une différence entre les variétés hybrides et les variétés à pollinisation libre produites localement. Ceci s’explique parce que les variétés à pollinisation libre ont une capacité d’adaptation que les hybrides n’ont pas, et la raison en est bien simple: pour produire une variété hybride il faut refaire le croisement originel à chaque fois, éliminant par le fait même toute notion d’évolution, alors que pour produire une semence à pollinisation libre on récupère les semences d’une génération à l’autre, permettant au vécu de la plante de se transmettre.
Une plante cultivée dans des conditions idéales, avec une irrigation contrôlée et un sol parfait, ne vit jamais ou très peu de stress donc ne développe pas sa résistance.
Nous arrosons parfois un petit peu…
La pluie ne tombe pas sur commande. Cultiver sans irrigation complique parfois la germination de nos semis directs. Seulement les pois, les engrais verts et tout ce qui ne supporte pas la transplantation, comme les légumes à racines-pivot (panais, carottes et certaine variétés de radis et navets), sont semés directement . Tout le reste est semé en multicellules et transplanté. Les conditions de germination sont beaucoup plus faciles à contrôler dans la maison, la serre ou les couches froides qu’à l’autre bout du champ. Cela permet de prendre de l’avance aussi pour plusieurs variétés qui sinon n’arriveraient pas à produire leurs semences avant le gel. Et depuis quelques années, la mouche du semis fait des ravages avec les semis directs de haricots, alors oui, même les haricots nains sont transplantés.
Notre sol est sableux. Pas question de faire des planches de culture surélevées. Quand vient le temps de transplanter, nous faisons des cuvettes autour des plants avec la terre pour retenir l’eau. Si nous pouvons transplanter immédiatement après une pluie, tout va bien. Sinon, nous devons apporter de l’eau dans des bacs et arroser tout de suite à la transplantation, ce qui est quand même assez rare parce que la pluie est normalement fréquente et abondante en mai et juin. Quand nous avons besoin d’arroser, nous n’avons besoin d’arroser qu’une seule fois. Lorsque les transplants ont connu une bonne averse, ils sont corrects pour le reste de la saison.
Que faisons-nous lors des sécheresses et des canicules?
Nous prenons des vacances et nous mangeons des popsicles… Nous ne vendons pas de légumes, nous n’avons pas besoin de récolter à chaque semaine pour satisfaire une telle clientèle. Quand la pluie cesse complètement pendant plusieurs semaines, avec en plus une température caniculaire, les plantes semblent arrêter leur croissance. En réalité elles développent leur système racinaire pour aller puiser l’eau par elles-mêmes. Lorsque la pluie revient, les plants ont une croissance explosive. Ils rattrapent toujours leur retard et ont le temps de produire leurs semences.
Le paillis?
On pourrait croire que mettre un bon paillage autour de nos plants, surtout que notre sol est sableux et que nous n’arrosons pas, pourrait aider… Nous ne mettons aucun paillis. Nous avons observé qu’un paillis constamment humide contribue à augmenter les risques de maladies fongiques et de problèmes de chrysomèles rayés du concombre, limaces, perce-oreille, etc.
Mais est-ce que cultiver sans irrigation fait des plants moins productifs et des légumes moins gros?
Oui et non. Lorsque les variétés sont bien adaptés à notre manière de cultiver, il n’y a aucune différence de production ni de grosseur. Par contre, pour les variétés que nous cultivons pour la première fois, ça c’est une autre histoire…
Pour arriver à produire une nouveauté, il n’est pas rare de devoir la cultiver 2, 3, voire 4 ans pour qu’elle s’adapte. Plusieurs variétés que nous testons, fleurs autant que légumes, ne supportent pas nos conditions de culture. Ça arrive souvent que les nouvelles variétés (les plants issus de semences achetées ailleurs) donnent des plants peu vigoureux, en souffrance toute la saison, qui produisent peu ou pas du tout. Et juste à côté, les plants issus de nos propres semences sont en pleine forme. Nous avons parfois de la misère à en croire nos yeux tellement la différence est énorme!
Nous trouvons souvent qu’il pleut trop!
Au Québec, il y a beaucoup de pluie. Il y a aussi beaucoup d’humidité dans l’air et quand il ne pleut pas, une bonne couche de rosée recouvre tout du soir au matin. C’est un problème majeur car la majorité des semences doivent sécher sur les plants. À partir du mois d’août, nous devons installer des tunnels pour protéger certaines cultures de la pluie et de la rosée. Trop de pluie, surtout en fin de saison, est nuisible pour les semences, même beaucoup plus nuisible qu’une sècheresse en juillet.
Après 15 ans d’expérience en production semencière, installer des tunnels un peu partout dans nos jardins pour protéger les cultures de la pluie est au programme. Le système d’irrigation, lui, n’est toujours pas envisagé…